"Peintre, scénographe, metteur en scène, dramaturge.Vit et travaille à Bruxelles.Incapable d'imaginer l'existence d'un Dieu par respect pour l'intelligence humaine.S'autorise l'appellation d'artiste peintre à partir de 1986 et revendique la peinture résolument considérée comme lieu de résistance.La question posée est celle du Désir en tant que fondement de ma constitution humaine. Question abordée inlassablement à la fois dans le lieu pictural, littéraire, théâtral et chorégraphique.Préfère radicalement la compagnie des femmes dont la sensualité débordante, l'intelligence à fleur de peau et l'audace délirante lui procurent cette sensation très particulière d'être vivant en vie.Considère aussi à présent que l'Esthétique est le mobile de la condition humaine."
"Autobiographie..." Claude Panier
Claude Panier dans son atelier -
Image d'archive
Claude Panier (1956-2021) est un artiste belge, actif à Bruxelles de 1980 à sa disparition récente, en avril 2021. Il est représenté successivement par la Galerie Debras-Bical, la Galerie Faider jusqu'en 2011, et enfin par M.H. Gallery.Son travail figure dans plusieurs collections publiques : au Ministère de la Communauté Française, au Ministère des Affaires Ėtrangères, au Musée d’Ixelles, au Musée de Louvain la Neuve, au Musée Ianchélévici de la Louvière, ou encore au Centre de la Gravure et de l’Image imprimée. Ses œuvres sont également inscrites dans la collection Serge Goyens, ainsi que dans la collection Thomas Neirynck aujourd’hui hébergée par la Fondation Roi Baudouin.
Au cours de sa longue carrière, son œuvre fait l’objet d’une exposition rétrospective - Oeuvres sur papier 1988-1998- à la Maison de la culture de Namur, en 1999. Il expose au Botanique (Bruxelles) en 1998 puis en 2003 pour l’exposition Un siècle d’art abstrait en Wallonie, à la Maison des arts de Schaerbeek en 2009 pour une exposition personnelle, et enfin à La Cambre pour la présentation du triptyque De la Guerre en 2021, quelques jours après sa mort.De ses premières toiles à sa dernière pièce, Claude Panier peint en série, seule une vingtaine de pièces en est isolée.
D’abord matiériste, très inspiré par Tapiès, il crée de grandes toiles où se mêlent dans un geste expressionniste la peinture à l’huile, le sable, le bois et le tissu : Mâle/Femelle, 1886 ; État d’A.--Landscape, 1988 ; Duel/Passion, 1989 ; Terreur/Liberté, 1989.Dès 1989, il se détourne de la toile et de ses accumulations pour peindre le papier dont il explore les capacités d'absorption et les transparences sous forme de collage et remploi d’anciennes pièces, coulures de cires et d’huile, calques peints et découpés. Ces travaux sur papier donnent lieu à une exposition rétrospective.
En parallèle, Claude Panier se fait découvreur et réalise des œuvres sur paraffine. Actualisation du travail de l’huile où la forme se dégage en couches superposées, la peinture sur paraffine lui permet d’épaissir la distance qui sépare le fond de la surface. Les formes y affleurent en vibrations lumineuses distinctes, les compositions se construisant depuis l'intérieur, ramenant l’espace pictural à une interrogation sur l'origine : de la forme, de la couleur et du geste. Fils d’une époque encore marquée par l’aventure de l’université de Vincennes, Claude Panier s’est engouffré dans la philosophie deleuzienne avec ardeur. Il faut noter que ce qui obsède le peintre est autant de nature esthétique que philosophique, et parallèlement à chaque série l’artiste écrit ces questionnements dans des carnets qui l’accompagnent toute sa vie. Ainsi, chaque série tente de répondre à une interrogation fondamentale, par exemple celle du désir (Duel/Passion, 1989), de l’origine (JE/Tatoué, 1994), de la violence faite aux femmes et de la guerre (De la Guerre, 2021).
Pour autant, l’abstraction de Claude Panier est toujours la marque d’une transfiguration du visible. Des toiles des maîtres anciens, il extrait les lignes structurantes, telle l’invite irrésistible d’un entrejambe féminin dans l’Origine du monde de Gustave Courbet. Ce motif entre tous sera son obsession, puisqu’il le déclinedepuis Naked Screen-Nude (1994), jusqu’à sa dernière série Utopia (2017). L'entrejambe féminin devient fente et béatitude, la silhouette d'une poitrine une lettre B, une bouche allongée, partout reproduite, et la violence s'exerçant sur les corps des points, des flèches, des hachures, nous ramenant aux peintures rupestres et à la naissance de la représentation.
Cet alphabet personnel, signe de la transfiguration de la vue vers le geste pictural, ne prend sa puissance qu'en déjouant les rapprochements sériels imposés par l'artiste, pour traquer les modulations du signe dans un processus archéologique. Alors, apparaît un réseau de correspondances complexes autant que ludiques. N'est- ce pas l'une des jouissances primordiales, celle de décrypter le monde sensible ?